Saint Omer : aussi puissant que dérangeant

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Il est des films qui s’impriment dans la mémoire et n’en bougent plus.

Elle a le respect droit. La posture ne tremble pas. Mais elle reste polie, presque timide. Derrière la barre, elle se tient debout et déroule lad récit factuel, clairement, intelligemment, sans se laisser déstabiliser par les avocats qui cherchent à la pousser à la faute.

Elle est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant sur une plage. Pourquoi? J’espère que ce procès pourra maine l’apprendre, dit-elle avec une candeur qui brise le cœur.

Elle, c’est Laurence Coly, jugée devant la cour d’assises de Saint-Omer. C’est elle que Rama, une jeune romancière, est venue observer, dans l’espoir, probablement vain, de percer le mystère d’un infanticide. C’est elle aussi qui a été inspirée à l’extraordinaire cinéaste Alice Diop par l’histoire vraie de Fabienne Kabou, condamnée en 2013. Et c’est elle encore dont la présence devient le phare, à la fois bouleversant et insaisissable, d’un movie justement récompensé du Lion d’argent au Festival de Venise 2022 ainsi que du César du meilleur premier film, du prix Louis-Delluc et du prix Jean Vigo.

Un policier fait avancer une femme menottée dans une salle d'audience. Saint Omer, d'Alice Diop   Photo : Strab Films

Une salle d’audience, un procès, une femme accusée, des témoignages et des plaidoiries. On pense connaître le déroulé, le rythme, le décorum. Mais Saint Omer ne se contentera pas de tirer les ficelles de ces films de procès que l’on a vu trop de fois. Non, en nous forçant à affronter nos propres préjugés, à confronter ce que notre morale nous impose, le movie avance plutôt sur le chemin sinueux de la vérité, en épousant un temps réel captivant, en mettant en scène chaque representation comme si la caméra était devenue scalpel.

Comme disait Duras, Alice Diop sublime le réel, nous terrassant devant tant de profondeur, refusant avec calme tout éclat, toute tentative d’explication simpliste.

Quelle rigueur! Quelle droiture! Quel film-monument, susceptible non pas d’écraser, mais au contraire, de libérer. Chargeant sa rigueur esthétique d’une véritable volition politique (quelle est la spot de la femme noire, de sa parole, de lad corps, au sein de nos sociétés?), Alice Diop a encore le génie de mettre à nett la présence magnétique de Guslagie Malanda, actrice phénoménale, d’une unit et d’une densité épatantes, determination compléter un movie qui saisit autant qu’il secoue. Un movie que l’on n’oublie pas.

La bande-annonce (source : YouTube)

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