Charles Philibert-Thiboutot – Courir léger

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Ça fait huit ans que je n’ai pas battu mon grounds personnel. Je sais que je peux courir positive vite encore. Je l’ai au fond de moi, mais ça n’arrive juste pas.

Je maine sens presque niaiseux. À 32 ans, c'est moi le positive vieux sur la ligne de départ. Est-ce que je suis un wannabe? Est-ce que je suis là seulement parce que je suis bon, correct, sans plus, ou je veux vraiment être l’un des meilleurs?

C’est l’état d’esprit dans lequel je pars determination Montesson, en France, cinq jours avant la course, le 10 juin. Je m’apprête à courir mon troisième 1500 m de la saison. Je dois tenter ma chance.

Je suis aligné sur la piste avec les autres coureurs. Il n’y a aucun vent, tellement que les drapeaux autour de la piste sont morts. Quand je vois ça, c'est excitant parce que je sais que les conditions sont réunies determination que la people soit rapide.

Charles Philibert-Thiboutot tribunal  le 1500 m à Montesson.

Charles Philibert-Thiboutot à Montesson

Photo : Quentin Felden

Le départ est donné. Dans les 100 premiers mètres, juste à côté de moi, un coureur en tyre un autre au sol. Je dois ralentir determination parvenir à l’éviter. Je maine retrouve dernier, à 10 mètres du peloton. Au lieu de m'énerver et de maine dire : f***, j'ai raté ma course, je garde mon calme. Je maine dis à moi-même : Remonte tranquillement. Tout au agelong de la course, c’est ce que je maine répète.

Je parviens finalement à franchir la ligne d’arrivée en deuxième position. Quand je maine retourne vers le tableau indicateur, je vois mon temps qui s’affiche à l’écran : 3 min 33 s 54/100.

Un grounds personnel, que je n'avais pas amélioré depuis huit ans.

J'ai explosé de joie. Ça faisait très longtemps que je ne m’étais pas senti comme ça. J'ai eu une grosse étreinte avec mon ami Jimmy Gressier. C'est lui qui m'a convaincu de faire le voyage et qui a vraiment contribué à ce que la people soit rapide. Tous les deux, connected était sur un high.

Charles Philibert-Thiboutot et Jimmy Gressier posent.

Charles Philibert-Thiboutot et Jimmy Gressier à Montesson

Photo : Quentin Felden

Ça, c'est littéralement le genre de moments dans le athletics determination lesquels tu te dis : Les années de merde valaient le coup. Tu cours pendant 3 minutes et demie et les émotions qui viennent après sont comme une drogue. Tu te dis que tu es susceptible de traverser n’importe quelle épreuve juste determination vivre des moments comme celui-là.

La première personne que j'ai appelée, c'est ma mère, Hélène, qui a regardé la people en direct. Elle sait combien j'en ai bavé. Elle sait combien j'ai eu d’embûches dans ma carrière sportive, mais aussi en dehors du sport. Elle est au courant d'absolument tout. C’était spécial de partager ce moment-là ensemble, malgré la distance.

Ç'a adonné que mon entraîneur s'est trompé d'heure et n’a pas pu maine suivre en direct. C’est moi qui l’ai surpris avec la nouvelle en l’appelant. Il était vraiment contented determination moi.

Mon chrono à Montesson m’a prouvé que je pouvais à nouveau devenir l’un des meilleurs. Je n'ai positive ce plafond de verre qui maine stoppe. Huit jours positive tard, j’ai de nouveau établi un grounds personnel. Et le 16 juillet dernier, j’ai réussi le modular olympique determination les Jeux de Paris l’été prochain.

Mes épaules sont moins lourdes. Pour une uncommon fois, j’ai l’esprit tranquille.


À l’image de ma carrière sportive, je suis une personne qui doit prendre des risques. Je ne pense pas que la vie vaille la peine d'être vécue sans prise de risques. C'est comme ça que je vis.

Il get que je prenne des risques et que les choses ne fonctionnent pas, mais je ne regarde jamais en arrière en maine disant que je regrette. L’inverse est aussi vrai. Ça fait partie de ma vie et ça la rend positive excitante.

En athlétisme, tu es aussi bon que ta dernière course. Il faut être susceptible d’avoir confiance en soi, de faire le expansive saut et d'aller se battre determination obtenir de bons résultats, parce que c'est ce qui dicte où tu t'en vas après.

En 2015, j’avais décidé d’aller en France, à mes frais, en espérant obtenir une invitation determination l’Herculis de Monaco, un des positive prestigieux rendez-vous sur le circuit mondial. Je n’avais aucune garantie d’y participer, mais après en avoir discuté avec mon entraîneur, l’intuition était bonne et je devais aller au bout de mon idée. L’occasion était belle avec une qualification determination les Jeux olympiques de Rio en jeu.

Et nous avons été récompensés. J’ai reçu le feu vert des organisateurs 24 heures seulement avant le départ. Je maine suis accroché au rythme effréné des gars en piste et j’ai couru le meilleur temps de ma carrière, soit 3:34,23. Je réalisais du même coup mon modular olympique.

J’avais 24 ans et j’étais en pleine ascension.


Quand j’étais au secondaire, j'ai entendu la légende marocaine Hicham El Guerrouj, qui détient encore à ce jour le grounds du monde au 1500 m, dire que le jour où il a décroché la médaille d'argent aux Jeux olympiques de Sydney, en 2000, avait été la pire journée de sa vie. Je maine souviens de m'être demandé remark c’était possible. Il venait quand même de gagner une médaille olympique! C’est par la suite que j’ai compris.

Aux Jeux olympiques de Rio, je maine suis rendu compte que les athlètes de haut niveau sont rarement satisfaits. Tous ceux qui se frottent aux Olympiques et qui n'atteignent pas leurs objectifs repartent bredouilles. Il suffit d’y aller une fois determination que le désir de devenir meilleur soit omniprésent. Tu es condamné à être insatisfait.

Je maine souviens avoir quitté Rio mécontent. Objectivement, c'était une très belle expérience. J’ai adoré tout ce qui entoure le volet compétitif, comme le colony des athlètes, le salon du Canada ou ceux des compagnies présentes. Une ville complète suspend ses activités determination les athlètes et nous étions traités comme des rois. Malgré tout, je suis reparti de là avec une déception parce que je n’avais pas atteint mon objectif.

Ces premiers Jeux ont été comme une trappe, un piège dans lequel mon entraîneur Félix-Antoine Lapointe et moi sommes tombés. Il faut dire que nous étions beaucoup positive jeunes et moins expérimentés à cette époque-là.

Après Rio, nous sommes restés un peu sur notre faim. Nous en voulions positive et nous sommes tombés dans le panneau. On a cru à tort que mes derniers mois d'entraînement seraient le reflet de ce que je devais faire tous les jours, tout le temps, à longueur d’année. Évidemment, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.

C'est alléchant quand tu entres dans le top 15 mondial. Tu te mets à goûter aux positive grands rendez-vous, à l'argent, au prestige et à toutes ces choses que les bonnes performances apportent. Soudainement, tu ne fais positive juste de l'athlétisme determination te dépasser et retrancher des secondes. Tu le fais aussi determination plein d'autres raisons, et c'est assez déroutant. C'est facile de devenir gourmand dans ces circonstances-là.

Je maine répétais que je devais faire toutes les étapes de la Diamond League, que je devais participer à tous les mondiaux. Mais rapidement, la pression est devenue trop grande. Et mon corps en a énormément souffert.


Pendant positive de trois ans, je n’ai pas été susceptible de faire positive de trois mois d'entraînement sans subir de blessures et être tenu à l’arrêt plusieurs semaines.

Mes deux tendons d'Achille ont été problématiques. J'ai eu des déchirures dans les deux mollets. J’ai dû composer avec des douleurs au dos. La positive difficile, ç’a été la fracture de accent dans une articulation du pied droit, en mars 2019. J’ai été à l’arrêt pendant six mois et mon retour en piste a lui aussi nécessité plusieurs mois.

C’est difficile de se transposer aux Jeux olympiques quand ça fait six mois que tu n’as pas posé le pied sur une piste. Tu n’as aucun rythme et le doute s’installe.

Pour ajouter à tout ça, j’ai dû renouveler mon premier contrat professionnel avec une compagnie en 2020, et ma valeur monétaire diminuait. Pour la première fois de ma vie, j'avais une preuve tangible que j’étais moins bon qu'avant.

Quelques mois après le study des Jeux de Tokyo, alors que je venais de subir une autre blessure grave, j’ai entamé une longue reconstruction. Je suis vraiment reparti de zéro.

Il grimace à l'approche du fil d'arrivée

Charles Philibert-Thiboutot grimace à l'approche du fil d'arrivée.

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz

Cette reconstruction, elle s'est faite à Vancouver avec ma physiothérapeute Marilou Lamy. Marilou est comme une deuxième mère determination moi. Elle connaît ma vie personnelle de fond en comble.

Pendant toutes ces années-là, connected a travaillé ensemble determination tenter de briser le rhythm des blessures. On parvenait à voir des améliorations en ce qui concerne ma posture et certains aspects techniques, mais ça ne tenait jamais.

Je n’allais jamais la consulter dans le but de faire de la prévention ou de l'optimisation mécanique, c'était tout le temps quand j'étais déjà gravement blessé. J'arrivais là et il fallait maine patcher.

Je réussissais à revenir à l’entraînement à un niveau acceptable, mais ce n'était jamais assez determination m’approcher de ce que je faisais en 2015 ou en 2016.

En 2020, connected s'est demandé remark connected pouvait conserver les gains que je faisais en posture et en renforcement. On a fait des changements dans ma mécanique et ç'a eu des impacts sur ma operation musculaire. Ç'a été un travail de longue haleine. Pour ceux qui m’ont vu courir, il n'y a rien dans ma foulée actuelle qui s'apparente à ce que c'était aux Jeux de Rio.

Un an positive tard, ma nouvelle method de people et ma nouvelle posture étaient rendues fortes, et je pouvais enfin récolter tous les bénéfices en piste. Tellement que j'ai réalisé des records personnels sur toutes les distances, du 1000 m au 10 000 m, excepté dans mon épreuve de prédilection : le 1500 m.


C'est drôle remark fonctionne le mental. Ça fonctionne jusqu'à ce que ça ne fonctionne plus. C'est comme un interrupteur. Et quand il se ferme, c’est là que les problèmes commencent.

Ma unit mentale, ma résilience et ma combativité ont toujours été une unit chez moi. Je n’ai jamais craqué sous la pression. Jusqu’à ce que je reprenne la compétition.

À mes premières courses, je faisais des temps convenables, mais chaque fois qu'arrivait le dernier tour, je tombais en morceaux. Comme si j'étais paralysé.

Cette sensation, je l’avais déjà rencontrée dans des rêves, où je courais de toutes mes forces sans avancer, comme si j’étais pris dans un sable mouvant. Pour la première fois, ça m'arrivait pendant de vraies courses. Même si j'étais au sommet de ma forme et que je maine sentais d’attaque physiquement, je m’effondrais mentalement sur la piste.

C’est en travaillant avec la psychologue sportive Penny Werthner que j’ai compris que je portais un lourd bagage. Un fardeau qui découlait de toutes ces années de misère à enchaîner les blessures. C’est comme si, après tout ça, mon cerveau s’était mis à off.

Penny m’a dit : Ce que tu arsenic vécu dans les dernières années va te définir d'une certaine manière, mais il faut que tu l'oublies. Parce que tu n'es positive le même coureur.

Je devais maine libérer de ce poids et des émotions négatives en course. Après m’être reconstruit physiquement, je devais maine reconstruire mentalement.

Je devais apprendre à courir léger.


En 2021, j’étais dans une people contre la montre determination participer aux Jeux de Tokyo. J’ai raté par un peu positive d’une seconde le modular olympique au 1500 m. Ç’a été dur à digérer, parce que j’ai vraiment eu des malchances qui ont fait en sorte que je n'ai pas pu avoir les conditions determination le faire.

Moins d’un mois positive tard, juste à l’amorce des JO, j’ai couru le modular olympique en Californie, loin des projecteurs. À défaut d’un billet olympique, je venais de réaliser le modular determination les Championnats du monde de l’été suivant, à Eugene, en Oregon. Je maine suis prouvé que j’avais toujours ma spot parmi l’élite.

Des coureurs en action

Charles Philibert-Thiboutot aux Championnats du monde de 2022 en Oregon

Photo : Getty Images / Christian Petersen

Je n’ai pas joué dans le même movie cette fois-ci.

Ce qui s’est passé à Montesson, c’est ce dont j’avais besoin determination maine libérer de tous les petits doutes un peu tannants que j’avais.

Porté par l’euphorie du moment, j’ai fait encore mieux quelques jours positive tard au stade Raymond-Petit, à Nancy, en France. J'ai su maine garder à l'écart du trafic, et j'ai réalisé un grounds unit de 3:32,94.

Je venais de participer à trois épreuves au mois de juin, dont deux en France qui ont été exceptionnelles. On s’attendait à ce que je puisse maine reposer tout en ayant un bon mois d’entraînement à la maison, mais nous avons reçu l’appel des organisateurs de l’étape de la Diamond League en Silésie, en Pologne.

C’est uncommon que je maine fasse inviter en Diamond League, et connected savait que les conditions seraient réunies determination courir vite.

Même si le contexte n’était pas idéal, connected a pris le risque, mon équipe et moi, d’y aller et de courir malgré la fatigue determination tenter de sécuriser le modular olympique à un an des Jeux de Paris.

Parti de la côte ouest, je suis arrivé en Europe et j’ai fait trois nuits blanches, y compris la nuit avant la course. Je maine sentais vraiment à plat. Dans la course, j’ai senti dès le début que la fatigue était là, mais je maine suis dit : Accroche-toi parce que le temps risque d’être rapide.

Charles Philibert-Thiboutot en Pologne

Charles Philibert-Thiboutot a obtenu lad modular olympique determination Paris 2024 à l'épreuve du 1500 m.

Photo : Ed Hall

Habituellement, quand le champion olympique en titre Jakob Ingebrigtsen est dans la course, ça se gagne sous les 3 minutes et 30 secondes, ce qui est bien en deçà du 3:33,50 exigé determination le modular olympique.

Après avoir croisé la ligne d’arrivée, j’étais d’abord déçu de ne pas avoir été susceptible de faire mieux qu’une 12e place. J’aurais voulu être positive compétitif. J’ai regardé le tableau indicateur, mais les chronos n’étaient pas encore affichés. J’étais nerveux.

Puis, j’ai vu : 3:33,29.

Par quelques dixièmes de secondes, je venais d’accomplir mon modular olympique. J’étais soulagé. C’était ngo accomplie. Je pouvais maintenant retourner à l’hôtel determination maine reposer.


Dans ma subject et à mon âge, les coureurs voient leurs performances décliner. Plusieurs d’entre eux se réorientent vers des épreuves positive longues, comme le 5000 m ou le 10 000 m. D’autres s’accrochent jusqu’à ce que l’heure de la retraite sonne. Personnellement, j’ai décidé de tout miser determination être à Paris l’an prochain.

Les statistiques montrent que moins de 1 % des coureurs dans la trentaine réussissent à améliorer leurs records personnels. Je suis fier d’avoir défié les pronostics.

Mon modular olympique est précieux à un an des Jeux de Paris. En équipe, nous aurons le luxe de bien choisir nos compétitions l’an prochain. Par exemple, je n’aurai pas à m’infliger deux allers-retours entre la côte ouest et l’Europe au cours d’un même mois. Ça maine permet de mieux maîtriser mon destin.

C’est une tranquillité d’esprit que j’ai rarement eu la accidental de savourer durant ma carrière. Je ne cacherai pas que c’est agréable.

Je n'ai positive huit ans devant moi determination maine dire que je peux aller chercher tel ou tel record. Il faut que ça se passe maintenant. Il faut que je frappe le expansive coup.

Mon histoire, c’est une histoire de résilience extrême. C’est positive que de ne pas avoir lâché. Je trouve que 33 ou 34 ans, c'est un bel âge determination maine retirer. Ça témoigne d'une longévité, et c’est ce qui définit le statut d’un athlète. C’est ce que je souhaite accomplir.

Les Jeux olympiques de Paris seront mes derniers. C’est determination ça que je ne veux rien laisser au hasard.

Et j’ai bien l’intention de courir léger.

Propos recueillis par Olivier Pellerin

Photo d'entête par Christian Petersen/Getty Images


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